Language of document : ECLI:EU:C:1998:619

ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)

17 décembre 1998 (1)

«Règlement (CEE) n° 1408/71 — Prestations de vieillesse — Articles 45 et 49 — Calcul des prestations lorsque l'intéressé ne réunit pas simultanément les conditions requises par toutes les législations sous lesquelles des

périodes d'assurance ou de résidence ont été accomplies»

Dans l'affaire C-244/97,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 177 du traité CE, par le Hof van Cassatie (Belgique) et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre

Rijksdienst voor Pensioenen

et

Gerdina Lustig,

une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation des articles 45 et 49 du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CEE) n° 2001/83 du Conseil, du 2 juin 1983 (JO L 230, p. 6), tel que modifié par le règlement (CEE) n° 1248/92 du Conseil, du 30 avril 1992 (JO L 136, p. 7), et par le règlement (CE) n° 3096/95 du Conseil, du 22 décembre 1995 (JO L 335, p. 10),

LA COUR (sixième chambre),

composée de MM. P. J. G. Kapteyn, président de chambre, G. Hirsch, G. F. Mancini, H. Ragnemalm et R. Schintgen (rapporteur), juges,

avocat général: M. N. Fennelly,


greffier: M. H. A. Rühl, administrateur principal,

considérant les observations écrites présentées:

—    pour le Rijksdienst voor Pensioenen, par M. G. Perl, administrateur général,

—    pour le gouvernement belge, par M. J. Devadder, conseiller général au ministère des Affaires étrangères, du Commerce extérieur et de la Coopération au développement, en qualité d'agent,

—    pour la Commission des Communautés européennes, par MM. P. J. Kuijper et P. Hillenkamp, conseillers juridiques, en qualité d'agents,

vu le rapport d'audience,

ayant entendu les observations orales du Rijksdienst voor Pensioenen, représenté par M. J. C. A. De Clerck, conseiller, du gouvernement du Royaume-Uni, représenté par M. J. E. Collins, Assistant Treasury Solicitor, en qualité d'agent, assisté de Mme S. Moore, barrister, ainsi que de la Commission, représentée par M. P. van Nuffel, membre du servcie juridique, en qualité d'agent, à l'audience du 9 juillet 1998,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 17 septembre 1998,

rend le présent

Arrêt

1.
    Par arrêt du 30 juin 1997, parvenu à la Cour le 4 juillet suivant, le Hof van Cassatie a posé, en vertu de l'article 177 du traité CE, une question préjudicielle sur l'interprétation des articles 45 et 49 du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour

par le règlement (CEE) n° 2001/83 du Conseil, du 2 juin 1983 (JO L 230, p. 6), ci-après le «règlement n° 1408/71»), tel que modifié par le règlement (CEE) n° 1248/92 du Conseil, du 30 avril 1992 (JO L 136, p. 7), et par le règlement (CE) n° 3096/95 du Conseil, du 22 décembre 1995 (JO L 335, p. 10).

2.
    Cette question a été soulevée dans le cadre d'un litige opposant Mme Lustig, ressortissante belge, au Rijksdienst voor Pensioenen (ci-après le «Rijksdienst»), à propos du refus de ce dernier de tenir compte, aux fins de l'application de la réglementation relative au minimum garanti d'une pension de retraite allouée en vertu de la législation belge, des périodes d'assurance accomplies par Mme Lustig aux Pays-Bas aussi longtemps que celle-ci n'avait pas encore droit à une pension de retraite au titre de la législation néerlandaise.

La réglementation nationale

3.
    La loi belge, du 8 août 1980, relative aux propositions budgétaires 1979-1980 (Moniteur belge du 15 août 1980, p. 9463, ci-après la «loi de 1980»), dispose en son article 152:

«La pension de retraite accordée pour une carrière complète à charge du régime de pensions pour travailleurs salariés ne peut être inférieure à un minimum garanti de ... par an ...

Le Roi détermine:

1)    ce qu'il faut entendre par carrière complète et les modalités selon lesquelles celle-ci est justifiée;

...»

4.
    La loi de redressement relative aux pensions du secteur social, du 10 février 1981 (Moniteur belge du 14 février 1981, p. 1697, ci-après la «loi de 1981»), prévoit en son article 33:

«Pour les travailleurs justifiant d'une carrière professionnelle en qualité de travailleur salarié au moins égale aux deux tiers d'une carrière professionnelle complète, le montant de la pension de retraite accordée à charge du régime de pension de retraite et de survie des travailleurs salariés ne peut être inférieur à une fraction des taux de base fixés par l'article 152 de la loi du 8 août 1980 relative aux propositions budgétaires 1979-1980.

Cette fraction est égale à celle qui a servi au calcul de la pension à charge du régime des travailleurs salariés.

Le Roi détermine:

1)    ce qu'il faut entendre par les deux tiers de la carrière complète et les modalités selon lesquelles cette carrière est justifiée;

...»

5.
    A l'époque des faits au principal, une carrière complète était censée comporter, dans le cas d'une femme, 40 années de carrière professionnelle accomplies en Belgique.

La réglementation communautaire

6.
    L'article 45, paragraphe 1, du règlement n° 1408/71, qui fait partie du chapitre 3, intitulé «Vieillesse et Décès (Pensions)», de son titre III, dispose:

«L'institution compétente d'un État membre dont la législation subordonne l'acquisition, le maintien ou le recouvrement du droit aux prestations à l'accomplissement de périodes d'assurance ou de résidence tient compte, dans la mesure nécessaire, des périodes d'assurance ou de résidence accomplies sous la législation de tout autre État membre, comme s'il s'agissait de périodes accomplies sous la législation qu'elle applique.»

7.
    L'article 45 du règlement n° 1408/71 a été modifié par le règlement n° 1248/92, qui est entré en vigueur le 1er juin 1992, «afin de clarifier les règles de prise en compte des périodes d'assurance ou de résidence accomplies dans deux ou plusieurs États membres et effectuées en tant que travailleur salarié et non salarié et/ou dans le cadre d'un régime général et spécial» (quatrième considérant du règlement n° 1248/92). Depuis lors, son paragraphe 1 se lit comme suit:

«Si la législation d'un État membre subordonne l'acquisition, le maintien ou le recouvrement du droit aux prestations en vertu d'un régime qui n'est pas un régime spécial au sens des paragraphes 2 ou 3, à l'accomplissement de périodes d'assurance ou de résidence, l'institution compétente de cet État membre tient compte, dans la mesure nécessaire, des périodes d'assurance ou de résidence accomplies sous la législation de tout autre État membre, que ce soit dans le cadre d'un régime général ou spécial, applicable à des travailleurs salariés ou non salariés. Dans ce but, elle tient compte de ces périodes, comme s'il s'agissait de périodes accomplies sous la législation qu'elle applique.»

8.
    L'article 46 du règlement n° 1408/71 détermine la méthode de calcul des prestations visées. Cet article a également été modifié par le règlement n° 1248/92. Ces modifications n'ont toutefois pas affecté les principes de la méthode de calcul en question. Ceux-ci peuvent être résumés comme suit:

—    En premier lieu, l'institution compétente procède au calcul de la prestation dite 'autonome‘ en vertu de l'article 46, paragraphe 1, premier alinéa [devenu l'article 46, paragraphe 1, sous a), i)], du règlement n° 1408/71. A cet effet, elle détermine, selon sa propre législation, le montant de la prestation auquel le travailleur aurait droit selon cette législation en ne prenant en compte que les périodes d'assurance ou de résidence accomplies sous cette législation.

—    L'article 46, paragraphe 1, deuxième alinéa, première phrase [devenu l'article 46, paragraphe 1, sous a), ii)], du règlement n° 1408/71 prévoit que l'institution compétente calcule, en second lieu, le montant de la prestation proratisée, conformément aux dispositions du paragraphe 2 de cet article. A cet effet, elle détermine d'abord, en vertu de l'article 46, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 1408/71, le montant dit 'théorique‘ de la prestation auquel le travailleur pourrait prétendre si toutes les périodes d'assurance accomplies par l'intéressé dans différents États membres l'avaient été dans l'État membre en cause et sous la législation que l'institution applique à la date de la liquidation de la prestation. L'institution compétente calcule ensuite, conformément à l'article 46, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 1408/71, le montant effectif de la prestation, sur la base du montant théorique et au prorata de la durée des périodes d'assurance accomplies avant la réalisation du risque sous la législation qu'elle applique, par rapport à la durée totale des périodes d'assurance accomplies avant la réalisation du risque sous les législations de tous les États membres en cause.

—    Enfin, conformément à l'article 46, paragraphe 1, deuxième alinéa, deuxième phrase (devenu l'article 46, paragraphe 3, premier alinéa), du règlement n° 1408/71, l'institution qui procède à la liquidation doit comparer la prestation autonome et la prestation proratisée et retenir celle dont le montant est le plus élevé.

9.
    L'article 49, paragraphe 1, du règlement n° 1408/71, est libellé comme suit:

«Si l'intéressé ne réunit pas, à un moment donné, les conditions requises pour le service des prestations par toutes les législations des États membres auxquelles il a été assujetti, compte tenu le cas échéant des dispositions de l'article 45, mais satisfait seulement aux conditions de l'une ou de plusieurs d'entre elles, les dispositions suivantes sont applicables:

a)    chacune des institutions compétentes appliquant une législation dont les conditions sont remplies calcule le montant de la prestation due, conformément aux dispositions de l'article 46;

b)    toutefois:

    i)    si l'intéressé satisfait aux conditions de deux législations au moins sans qu'il soit besoin de faire appel aux périodes d'assurance ou de résidence accomplies sous les législations dont les conditions ne sont pas remplies, ces périodes ne sont pas prises en compte pour l'application des dispositions de l'article 46, paragraphe 2;

    ii)    si l'intéressé satisfait aux conditions d'une seule législation sans qu'il soit besoin de faire appel aux périodes d'assurance ou de résidence accomplies sous les législations dont les conditions ne sont pas remplies, le montant de la prestation due est calculé conformément aux dispositions de la seule législation dont les conditions sont remplies et compte tenu des seules périodes accomplies sous cette législation.»

10.
    La disposition précitée a été modifiée, une première fois, par le règlement n° 1248/92, qui y a inséré, à la première phrase, une référence à l'article 40, paragraphe 3, du règlement n° 1408/71 et y a ajouté un deuxième alinéa pour permettre son application dans les cas visés à l'article 44, paragraphe 2, deuxième phrase, du même règlement (vingt-quatrième considérant du règlement n° 1248/92).Ces modifications ne sont pas pertinentes pour la présente affaire.

11.
    L'article 49, paragraphe 1, du règlement n° 1408/71 a été modifié, une seconde fois, par le règlement n° 3096/95, de façon à permettre, dans les hypothèses visées à son point b), i) et ii), la prise en compte des périodes accomplies sous des législations dont les conditions d'ouverture des droits ne sont pas remplies dès lors qu'il en résulte pour l'intéressé un montant de prestations plus élevé (cinquième considérant du règlement n° 3096/95). A la suite de ces modifications, qui, conformément à l'article 3, deuxième alinéa, du règlement n° 3096/95, sont entrées en vigueur, en ce qui concerne les prestations de vieillesse et les prestations des survivants, le 1er juin 1992, l'article 49, paragraphe 1, du règlement n° 1408/71 se lit comme suit:

«Si l'intéressé ne réunit pas, à un moment donné, les conditions requises pour le service des prestations par toutes les législations des États membres auxquelles il a été assujetti, compte tenu le cas échéant de l'article 45 et/ou de l'article 40, paragraphe 3, mais satisfait seulement aux conditions de l'une ou de plusieurs d'entre elles, les dispositions suivantes sont applicables:

a)    chacune des institutions compétentes appliquant une législation dont les conditions sont remplies calcule le montant de la prestation due, conformément à l'article 46;

b)    toutefois:

    i)    si l'intéressé satisfait aux conditions de deux législations au moins sans qu'il soit besoin de faire appel aux périodes d'assurance ou de résidence accomplies sous les législations dont les conditions ne sont pas remplies, ces périodes ne sont pas prises en compte pour l'application de l'article 46, paragraphe 2, à moins que la prise en compte desdites périodes ne permette la détermination d'un montant de prestation plus élevé;

    ii)    si l'intéressé satisfait aux conditions d'une seule législation sans qu'il soit besoin de faire appel aux périodes d'assurance ou de résidence accomplies sous les législations dont les conditions ne sont pas remplies, le montant de la prestation due est calculé, conformément à l'article 46, paragraphe 1, point a), i), selon les dispositions de la seule législation dont les conditions sont remplies et compte tenu des seules périodes accomplies sous cette législation, à moins que la prise en compte des périodes accomplies sous les législations dont les conditions ne sont pas remplies ne permette la détermination, conformément à l'article 46, paragraphe 1, point a), ii), d'un montant de prestation plus élevé.

Les dispositions du présent paragraphe sont applicables par analogie lorsque l'intéressé a demandé expressément de surseoir à la liquidation des prestations de vieillesse, conformément à l'article 44, paragraphe 2, deuxième phrase.»

Le litige au principal

12.
    Le 20 janvier 1988, à l'approche de son soixantième anniversaire, Mme Lustig, née le 15 janvier 1929, a introduit auprès du Rijksdienst une demande visant à obtenir une pension de retraite belge à dater du 1er février 1989.

13.
    Par décision du 2 juin 1988, le Rijksdienst lui a accordé, avec effet au 1er février 1989, une pension d'un montant de 106 834 BFR. Le montant ainsi accordé correspondait à une carrière professionnelle de 19 ans accomplie en Belgique entre 1970 et 1988 (19/40).

14.
    Le 13 avril 1993, Mme Lustig, qui, entre 1946 et 1968, avait travaillé aux Pays-Bas, a introduit une demande visant à obtenir, à partir de son soixante-cinquième anniversaire, une pension de vieillesse au titre de l'Algemene Ouderdomswet (loi néerlandaise portant régime général d'assurance vieillesse). L'institution compétente néerlandaise, la Sociale Verzekeringsbank, lui a accordé la pension demandée avec effet à partir du 1er janvier 1994.

15.
    A la suite de l'octroi de la pension de vieillesse néerlandaise, le Rijksdienst a, conformément à l'article 46, paragraphe 2, du règlement n° 1408/71, recalculé la pension belge dont bénéficiait Mme Lustig et, par décision du 23 décembre 1993, lui a accordé, à compter du 1er janvier 1994, une pension d'un montant de 142 046 BFR.

16.
    Il résulte du dossier que, pour la détermination du montant ainsi octroyé à compter du 1er janvier 1994, le Rijksdienst a appliqué les dispositions relatives au minimum garanti applicable aux pensions des lois de 1980 et 1981. En revanche, pour la période allant du 1er février 1989, date à partir de laquelle Mme Lustig avait droit, à l'âge de 60 ans, à une pension de retraite belge, au 1er janvier 1994, date à partir de laquelle elle avait droit, à l'âge de 65 ans, à une pension néerlandaise, le Rijksdienst a refusé à Mme Lustig le bénéfice de ces dispositions au motif qu'il ne pouvait tenir compte de la carrière professionnelle que celle-ci avait accomplie aux Pays-Bas qu'à partir du moment où son droit à pension aux Pays-Bas avait effectivement pris naissance, c'est-à-dire le 1er janvier 1994.

17.
    Par requête du 2 février 1994, Mme Lustig a introduit un recours à l'encontre de la décision du Rijksdienst du 23 décembre 1993 auprès de l'Arbeidsrechtbank te Antwerpen, en faisant valoir qu'une pension fondée sur le minimum légal aurait dû lui être accordée également pour la période allant du 1er février 1989 au 1er janvier 1994.

18.
    Par jugement du 15 décembre 1994, l'Arbeidsrechtbank te Antwerpen a annulé la décision attaquée dans la mesure où elle avait fixé au 1er janvier 1994 la date de prise de cours de la pension et constaté que Mme Lustig avait droit, dès le 1er janvier 1989, à une pension de retraite majorée au niveau du minimum légal.

19.
    Par arrêt du 17 avril 1996, l'Arbeidshof te Antwerpen, saisi en appel par le Rijksdienst, a, sur la base de motifs différents, confirmé le jugement rendu en première instance et décidé que le Rijksdienst aurait dû, en application des articles 45, paragraphe 1, et 49, paragraphe 1, sous b), ii), du règlement n° 1408/71, reconnaître à Mme Lustig le droit au minimum garanti à partir du 1er février 1989, en tenant compte, pour la détermination de la carrière professionnelle minimale effectuée en tant que travailleur salarié requise pour l'ouverture de ce droit, de la carrière accomplie aux Pays-Bas, mais en ne prenant en considération pour le calcul (proportionnel) du montant à accorder que la carrière accomplie en Belgique, à savoir 19/40.

20.
    A l'appui du pourvoi en cassation que le Rijksdienst a formé à l'encontre de l'arrêt de l'Arbeidshof te Antwerpen, il a notamment fait valoir que l'article 45 du règlement n° 1408/71 traite de manière plus générale de la prise en considération des périodes d'assurance, tandis que l'article 49 dudit règlement, en tenant compte de la disposition précitée, porte sur des situations plus spécifiques, dans la mesure où il règle le calcul des prestations lorsque l'intéressé ne réunit pas simultanément les conditions requises par toutes les législations sous lesquelles des périodes

d'assurance ou de résidence ont été accomplies. Rappelant que Mme Lustig, ayant atteint l'âge de 60 ans le 1er février 1989, pouvait se prévaloir en Belgique d'une pension de retraite, calculée sur plusieurs années de service, sans qu'il soit nécessaire de se fonder sur les périodes d'assurance ou de résidence accomplies aux Pays-Bas, où elle ne satisfaisait pas à la condition d'âge pour avoir droit aux prestations, le Rijksdienst a conclu que la disposition particulière de l'article 49, paragraphe 1, sous b), ii), du règlement n° 1408/71 était applicable en l'espèce et non pas la disposition de l'article 45, paragraphe 1, de sorte que le montant de la prestation due devrait être calculé conformément aux dispositions de la seule législation belge et compte tenu des seules périodes accomplies sous cette législation.

21.
    Considérant que le moyen ainsi invoqué par le Rijksdienst soulevait, en ce qui concerne l'article 45, paragraphe 1, une question d'interprétation de l'article 49, paragraphe 1, sous b), ii), le Hof van Cassatie a décidé de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«L'article 49, paragraphe 1, sous b), ii), du règlement (CEE) n° 1408/71, lu en combinaison avec l'article 45 de ce règlement, doit-il être interprété en ce sens qu'il impose aux autorités nationales compétentes, si l'intéressé satisfait aux conditions d'une seule législation pour le service d'une pension de vieillesse, même limitée, sans qu'il soit besoin de faire appel aux périodes d'assurance accomplies sous une autre législation dont les conditions ne sont pas remplies pour se prévaloir des droits à une pension de retraite, de prendre malgré tout en compte les périodes accomplies sous cette dernière législation, lorsque, de ce fait, une pension de vieillesse plus importante peut être accordée jusqu'au moment où, sur la base de ladite législation, il est aussi satisfait aux conditions requises?»

Sur la question posée

22.
    Pour répondre à cette question, il y a lieu de relever d'abord que l'article 45 du règlement n° 1408/71 prévoit la prise en compte des périodes d'assurance ou de résidence accomplies sous la législation d'autres États membres uniquement pour l'acquisition, le maintien ou le recouvrement du droit aux prestations de vieillesse, alors que dans le litige au principal la contestation porte sur la détermination du montant d'une telle prestation (voir, en ce sens, arrêt du 9 décembre 1993, Lepore et Scamuffa, C-45/92 et C-46/92, Rec. p. I-6497, point 13).

23.
    Il convient de souligner ensuite que l'article 51 du traité CE prescrit la totalisation de toutes périodes prises en considération par les différentes législations nationales non seulement pour l'ouverture et le maintien du droit aux prestations, mais également pour le calcul de celles-ci.

24.
    En ce qui concerne le calcul des prestations de vieillesse, ce principe a trouvé son expression notamment à l'article 46 du règlement n° 1408/71.

25.
    En effet, cette disposition prévoit, en matière de liquidation des prestations, l'établissement par l'institution compétente du montant effectif de la prestation au prorata de la durée des périodes d'assurance accomplies sous la législation qu'elle applique par rapport à la durée totale des périodes d'assurance accomplies sous les législations de tous les États membres en question (arrêt du 22 novembre 1995, Vougioukas, C-443/93, Rec. p. I-4033, point 15).

26.
    Quant à l'article 49, paragraphe 1, du règlement n° 1408/71, il détermine la méthode de calcul des prestations notamment lorsque l'intéressé, à un moment donné, ne réunit pas simultanément les conditions requises par toutes les législations sous l'empire desquelles il a accompli des périodes d'assurance ou de résidence.

27.
    A cet égard, l'article 49, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 1408/71 établit le principe selon lequel chacune des institutions compétentes appliquant une législation dont les conditions sont remplies calcule le montant de la prestation due, conformément à l'article 46.

28.
    Le point b), ii), du même article 49, paragraphe 1, vise la situation particulière d'une personne qui a été soumise à la législation de plusieurs États membres mais qui, à un moment donné, satisfait aux conditions d'une seule d'entre elles sans qu'il soit besoin de faire appel aux périodes d'assurance ou de résidence accomplies sous les législations dont les conditions ne sont pas remplies. Telle est la situation d'une personne telle que Mme Lustig qui, lorsqu'elle a atteint l'âge de 60 ans et obtenu une pension de retraite belge en vertu de la seule législation belge, ne remplissait pas encore les conditions requises pour le service d'une prestation au titre de la législation néerlandaise.

29.
    En l'occurrence, il convient dès lors de déterminer si le montant de la prestationdue, en vertu de la législation dont les conditions sont remplies, à une personne se trouvant dans une telle situation doit être calculé conformément aux dispositions de cette seule législation et compte tenu des seules périodes accomplies sous celle-ci, même dans l'hypothèse où la prise en compte des périodes accomplies sous les législations dont les conditions ne sont pas remplies lui donnerait droit à une prestation d'un montant plus élevé.

30.
    A cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, toutes les dispositions du règlement n° 1408/71 doivent être interprétées à la lumière de l'objectif de l'article 51 du traité, qui est de contribuer, notamment par la totalisation des périodes d'assurance, de résidence ou d'emploi, à l'établissement de la libre circulation des travailleurs (voir, en ce sens, arrêts du 9 août 1994, Reichling, C-406/93, Rec. p. I-4061, point 21; du 26 octobre 1995, Moscato, C-481/93, Rec. p. I-3525, point 27, et Klaus, C-482/93, Rec. p. I-3551, point 21).

31.
    Cet objectif implique que les travailleurs migrants ne doivent ni perdre des droits à des prestations de sécurité sociale ni subir une réduction de leur montant du fait

qu'ils ont exercé le droit à la libre circulation que leur confère le traité (arrêt Reichling, précité, point 24) et que notamment la règle de la totalisation des périodes d'assurance, de résidence ou d'emploi tend à garantir que l'exercice du droit à la libre circulation que confère le traité n'ait pas pour effet de priver un travailleur d'avantages de sécurité sociale auxquels il aurait pu prétendre s'il avait accompli sa carrière dans un seul État membre (arrêt Moscato, précité, point 28).

32.
    Or, il n'est pas contesté qu'une personne se trouvant dans la situation de Mme Lustig aurait eu droit, dès l'âge de 60 ans, à une prestation de vieillesse d'un montant plus élevé si elle avait accompli l'intégralité de sa carrière professionnelle dans l'État membre et sous l'empire de la législation de l'État membre dont elle remplissait les conditions en premier lieu.

33.
    Il convient de relever également que, selon une jurisprudence constante, si l'application de la seule législation de l'État membre en cause se révèle moins favorable au travailleur que celle du régime communautaire, prévu à l'article 46 du règlement n° 1408/71, ce sont les dispositions de cet article qui doivent être appliquées dans leur ensemble (voir, notamment, arrêt du 11 juin 1992, Di Crescenzo et Casagrande, C-90/91 et C-91/91, Rec. p. I-3851, point 16).

34.
    Il s'ensuit que l'article 49, paragraphe 1, sous b), ii), du règlement n° 1408/71, interprété à la lumière de l'article 51 du traité, exige que les périodes accomplies sous les législations des États membres dont les conditions ne sont pas remplies soient prises en compte pour le calcul, conformément à l'article 46 de ce règlement, de prestations de vieillesse, dès lors que cette prise en compte se révèle plus favorable pour l'intéressé que l'application de la seule législation dont les conditions sont remplies et la prise en compte des seules périodes accomplies sous cette législation.

35.
    Cette interprétation de l'article 49, paragraphe 1, sous b), ii), du règlement n° 1408/71 découlant directement de l'article 51 du traité, la modification apportée à cette disposition par le règlement n° 3096/95 ne saurait avoir qu'une valeur de simple clarification.

36.
    Contrairement à ce que le gouvernement du Royaume-Uni a fait valoir à l'audience, cette conclusion ne saurait être mise en cause par l'arrêt du 7 juillet 1994, McLachlan (C-146/93, Rec. p. I-3229).

37.
    Certes, au point 29 de cet arrêt, la Cour a constaté que la prise en compte, par la législation dont les conditions sont remplies, des périodes accomplies sous l'empire de la législation d'un autre État membre est exclue par l'article 49 du règlement n° 1408/71 pour le calcul du montant de la pension.

38.
    Cette constatation doit toutefois être comprise à la lumière du contexte propre à l'affaire qui a donné lieu à l'arrêt McLachlan, précité. Comme M. l'avocat général

l'a relevé à juste titre au point 16 de ses conclusions, le demandeur au principal dans l'affaire McLachlan ne sollicitait pas la simple application des règles de totalisation et de proratisation énoncées à l'article 46 du règlement n° 1408/71, mais le paiement, au titre de la législation de l'État membre dont il remplissait les conditions, d'une pension d'un montant qui tienne compte des périodes accomplies sous la législation de l'État membre dont il ne remplissait pas encore les conditions, au motif qu'il aurait eu droit à une telle pension s'il avait accompli toute sa carrière sous la première législation.

39.
    En excluant, dans ces conditions, pour le calcul du montant de la pension, due au titre de la législation dont les conditions étaient remplies, la prise en compte des périodes accomplies sous l'empire de la législation dont les conditions n'étaient pas encore remplies, la Cour a simplement entendu assurer que, conformément au système du règlement n° 1408/71 qui a laissé subsister des régimes distincts engendrant des créances distinctes à l'égard d'institutions distinctes contre lesquelles le prestataire possède des droits directs, chaque État serve les prestations qui correspondent aux périodes accomplies sous l'empire de sa législation (arrêt McLachlan, précité, points 29, 30 et 37).

40.
    En revanche, dans l'affaire qui fait l'objet du présent renvoi préjudiciel, la demande de l'intéressée vise à ce que les périodes accomplies sous la législation dont les conditions n'étaient pas encore remplies soient prises en compte uniquement aux fins de l'application de la réglementation belge relative au minimum garanti et non pas pour le calcul proprement dit, en fonction de la durée totale des périodes accomplies dans les deux États membres et au prorata des périodes accomplies sous la législation belge, du montant de la pension de retraite à laquelle elle a droit en vertu de celle-ci, compte tenu de l'application de ladite réglementation relative au minimum garanti. Contrairement à M. McLachlan, Mme Lustig ne demande pas, dès lors, que le montant même de la pension à laquelle elle a droit en vertu de la législation dont les conditions sont remplies soit calculé de façon à tenir compte des périodes accomplies sous la législation de l'État membre dont les conditions ne sont pas encore remplies comme si elles avaient été accomplies sous la législation du premier État.

41.
    Au vu de l'ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la question posée que l'article 49, paragraphe 1, sous b), ii), du règlement n° 1408/71 ainsi que l'article 49, paragraphe 1, sous b), ii), du règlement n° 1408/71, tel que modifié par le règlement n° 1248/92 et par le règlement n° 3096/95, doivent être interprétés en ce sens qu'ils imposent à l'institution compétente, si l'intéressé satisfait aux conditions d'une seule législation pour le service d'une prestation de vieillesse, même limitée, sans qu'il soit besoin de faire appel aux périodes d'assurance ou de résidence accomplies sous une autre législation dont les conditions ne sont pas remplies, de prendre néanmoins en compte, conformément à l'article 46 du même règlement, les périodes accomplies sous cette dernière législation, lorsque, de ce fait, une prestation de vieillesse d'un montant plus élevé

peut lui être accordée jusqu'au moment où les conditions de celle-ci viennent également à être remplies.

Sur les dépens

42.
    Les frais exposés par les gouvernements belge et du Royaume-Uni, ainsi que par la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs,

LA COUR (sixième chambre)

statuant sur la question à elle soumise par le Hof van Cassatie (Belgique), par arrêt du 30 juin 1997, dit pour droit:

L'article 49, paragraphe 1, sous b), ii), du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CEE) n° 2001/83 du Conseil, du 2 juin 1983, ainsi que l'article 49, paragraphe 1, sous b), ii), du règlement n° 1408/71, dans sa version résultant du règlement n° 2001/83, tel que modifié par le règlement (CEE) n° 1248/92 du Conseil, du 30 avril 1992, et par le règlement (CE) n° 3096/95 du Conseil, du 22 décembre 1995, doivent être interprétés en ce sens qu'ils imposent à l'institution compétente, si l'intéressé satisfait aux conditions d'une seule législation pour le service d'une prestation de vieillesse, même limitée, sans qu'il soit besoin de faire appel aux périodes d'assurance ou de résidence accomplies sous une autre législation dont les conditions ne sont pas remplies, de prendre néanmoins en compte, conformément à l'article 46 du même règlement, les périodes accomplies sous cette dernière législation, lorsque, de ce fait, une prestation de vieillesse d'un montant plus élevé peut lui être accordée jusqu'au moment où les conditions de celle-ci viennent également à être remplies.

Kapteyn Hirsch

Mancini Ragnemalm Schintgen

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 17 décembre 1998.

Le greffier

Le président de la sixième chambre faisant fonction

R. Grass

P. J. G. Kapteyn


1: Langue de procédure: le néerlandais.