ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)
17 décembre 1998 (1)
«Règlement (CEE) n° 1408/71 Prestations de vieillesse Articles 45 et 49
Calcul des prestations lorsque l'intéressé ne réunit pas simultanément les
conditions requises par toutes les législations sous lesquelles des
périodes d'assurance ou de résidence ont été accomplies»
Dans l'affaire C-244/97,
ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 177
du traité CE, par le Hof van Cassatie (Belgique) et tendant à obtenir, dans le litige
pendant devant cette juridiction entre
Rijksdienst voor Pensioenen
et
Gerdina Lustig,
une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation des articles 45 et 49 du
règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l'application des
régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et
aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, dans
sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CEE) n° 2001/83 du Conseil,
du 2 juin 1983 (JO L 230, p. 6), tel que modifié par le règlement (CEE) n° 1248/92
du Conseil, du 30 avril 1992 (JO L 136, p. 7), et par le règlement (CE) n° 3096/95
du Conseil, du 22 décembre 1995 (JO L 335, p. 10),
LA COUR (sixième chambre),
composée de MM. P. J. G. Kapteyn, président de chambre, G. Hirsch,
G. F. Mancini, H. Ragnemalm et R. Schintgen (rapporteur), juges,
avocat général: M. N. Fennelly,
greffier: M. H. A. Rühl, administrateur principal,
considérant les observations écrites présentées:
pour le Rijksdienst voor Pensioenen, par M. G. Perl, administrateur général,
pour le gouvernement belge, par M. J. Devadder, conseiller général au
ministère des Affaires étrangères, du Commerce extérieur et de la
Coopération au développement, en qualité d'agent,
pour la Commission des Communautés européennes, par MM. P. J. Kuijper
et P. Hillenkamp, conseillers juridiques, en qualité d'agents,
vu le rapport d'audience,
ayant entendu les observations orales du Rijksdienst voor Pensioenen, représenté
par M. J. C. A. De Clerck, conseiller, du gouvernement du Royaume-Uni,
représenté par M. J. E. Collins, Assistant Treasury Solicitor, en qualité d'agent,
assisté de Mme S. Moore, barrister, ainsi que de la Commission, représentée par
M. P. van Nuffel, membre du servcie juridique, en qualité d'agent, à l'audience du
9 juillet 1998,
ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du
17 septembre 1998,
rend le présent
Arrêt
- 1.
- Par arrêt du 30 juin 1997, parvenu à la Cour le 4 juillet suivant, le Hof van Cassatie
a posé, en vertu de l'article 177 du traité CE, une question préjudicielle sur
l'interprétation des articles 45 et 49 du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du
14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs
salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se
déplacent à l'intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour
par le règlement (CEE) n° 2001/83 du Conseil, du 2 juin 1983 (JO L 230, p. 6), ci-après le «règlement n° 1408/71»), tel que modifié par le règlement (CEE)
n° 1248/92 du Conseil, du 30 avril 1992 (JO L 136, p. 7), et par le règlement (CE)
n° 3096/95 du Conseil, du 22 décembre 1995 (JO L 335, p. 10).
- 2.
- Cette question a été soulevée dans le cadre d'un litige opposant Mme Lustig,
ressortissante belge, au Rijksdienst voor Pensioenen (ci-après le «Rijksdienst»), à
propos du refus de ce dernier de tenir compte, aux fins de l'application de la
réglementation relative au minimum garanti d'une pension de retraite allouée en
vertu de la législation belge, des périodes d'assurance accomplies par Mme Lustig
aux Pays-Bas aussi longtemps que celle-ci n'avait pas encore droit à une pension
de retraite au titre de la législation néerlandaise.
La réglementation nationale
- 3.
- La loi belge, du 8 août 1980, relative aux propositions budgétaires 1979-1980
(Moniteur belge du 15 août 1980, p. 9463, ci-après la «loi de 1980»), dispose en son
article 152:
«La pension de retraite accordée pour une carrière complète à charge du régime
de pensions pour travailleurs salariés ne peut être inférieure à un minimum garanti
de ... par an ...
Le Roi détermine:
1) ce qu'il faut entendre par carrière complète et les modalités selon lesquelles
celle-ci est justifiée;
...»
- 4.
- La loi de redressement relative aux pensions du secteur social, du 10 février 1981
(Moniteur belge du 14 février 1981, p. 1697, ci-après la «loi de 1981»), prévoit en
son article 33:
«Pour les travailleurs justifiant d'une carrière professionnelle en qualité de
travailleur salarié au moins égale aux deux tiers d'une carrière professionnelle
complète, le montant de la pension de retraite accordée à charge du régime de
pension de retraite et de survie des travailleurs salariés ne peut être inférieur à une
fraction des taux de base fixés par l'article 152 de la loi du 8 août 1980 relative aux
propositions budgétaires 1979-1980.
Cette fraction est égale à celle qui a servi au calcul de la pension à charge du
régime des travailleurs salariés.
Le Roi détermine:
1) ce qu'il faut entendre par les deux tiers de la carrière complète et les
modalités selon lesquelles cette carrière est justifiée;
...»
- 5.
- A l'époque des faits au principal, une carrière complète était censée comporter,
dans le cas d'une femme, 40 années de carrière professionnelle accomplies en
Belgique.
La réglementation communautaire
- 6.
- L'article 45, paragraphe 1, du règlement n° 1408/71, qui fait partie du chapitre 3,
intitulé «Vieillesse et Décès (Pensions)», de son titre III, dispose:
«L'institution compétente d'un État membre dont la législation subordonne
l'acquisition, le maintien ou le recouvrement du droit aux prestations à
l'accomplissement de périodes d'assurance ou de résidence tient compte, dans la
mesure nécessaire, des périodes d'assurance ou de résidence accomplies sous la
législation de tout autre État membre, comme s'il s'agissait de périodes accomplies
sous la législation qu'elle applique.»
- 7.
- L'article 45 du règlement n° 1408/71 a été modifié par le règlement n° 1248/92, qui
est entré en vigueur le 1er juin 1992, «afin de clarifier les règles de prise en compte
des périodes d'assurance ou de résidence accomplies dans deux ou plusieurs États
membres et effectuées en tant que travailleur salarié et non salarié et/ou dans le
cadre d'un régime général et spécial» (quatrième considérant du règlement
n° 1248/92). Depuis lors, son paragraphe 1 se lit comme suit:
«Si la législation d'un État membre subordonne l'acquisition, le maintien ou le
recouvrement du droit aux prestations en vertu d'un régime qui n'est pas un régime
spécial au sens des paragraphes 2 ou 3, à l'accomplissement de périodes
d'assurance ou de résidence, l'institution compétente de cet État membre tient
compte, dans la mesure nécessaire, des périodes d'assurance ou de résidence
accomplies sous la législation de tout autre État membre, que ce soit dans le cadre
d'un régime général ou spécial, applicable à des travailleurs salariés ou non salariés.
Dans ce but, elle tient compte de ces périodes, comme s'il s'agissait de périodes
accomplies sous la législation qu'elle applique.»
- 8.
- L'article 46 du règlement n° 1408/71 détermine la méthode de calcul des
prestations visées. Cet article a également été modifié par le règlement n° 1248/92.
Ces modifications n'ont toutefois pas affecté les principes de la méthode de calcul
en question. Ceux-ci peuvent être résumés comme suit:
En premier lieu, l'institution compétente procède au calcul de la prestation
dite 'autonome en vertu de l'article 46, paragraphe 1, premier alinéa
[devenu l'article 46, paragraphe 1, sous a), i)], du règlement n° 1408/71. A
cet effet, elle détermine, selon sa propre législation, le montant de la
prestation auquel le travailleur aurait droit selon cette législation en ne
prenant en compte que les périodes d'assurance ou de résidence accomplies
sous cette législation.
L'article 46, paragraphe 1, deuxième alinéa, première phrase [devenu
l'article 46, paragraphe 1, sous a), ii)], du règlement n° 1408/71 prévoit que
l'institution compétente calcule, en second lieu, le montant de la prestation
proratisée, conformément aux dispositions du paragraphe 2 de cet article.
A cet effet, elle détermine d'abord, en vertu de l'article 46, paragraphe 2,
sous a), du règlement n° 1408/71, le montant dit 'théorique de la
prestation auquel le travailleur pourrait prétendre si toutes les périodes
d'assurance accomplies par l'intéressé dans différents États membres
l'avaient été dans l'État membre en cause et sous la législation que
l'institution applique à la date de la liquidation de la prestation. L'institution
compétente calcule ensuite, conformément à l'article 46, paragraphe 2,
sous b), du règlement n° 1408/71, le montant effectif de la prestation, sur
la base du montant théorique et au prorata de la durée des périodes
d'assurance accomplies avant la réalisation du risque sous la législation
qu'elle applique, par rapport à la durée totale des périodes d'assurance
accomplies avant la réalisation du risque sous les législations de tous les
États membres en cause.
Enfin, conformément à l'article 46, paragraphe 1, deuxième alinéa,
deuxième phrase (devenu l'article 46, paragraphe 3, premier alinéa), du
règlement n° 1408/71, l'institution qui procède à la liquidation doit comparer
la prestation autonome et la prestation proratisée et retenir celle dont le
montant est le plus élevé.
- 9.
- L'article 49, paragraphe 1, du règlement n° 1408/71, est libellé comme suit:
«Si l'intéressé ne réunit pas, à un moment donné, les conditions requises pour le
service des prestations par toutes les législations des États membres auxquelles il
a été assujetti, compte tenu le cas échéant des dispositions de l'article 45, mais
satisfait seulement aux conditions de l'une ou de plusieurs d'entre elles, les
dispositions suivantes sont applicables:
a) chacune des institutions compétentes appliquant une législation dont les
conditions sont remplies calcule le montant de la prestation due,
conformément aux dispositions de l'article 46;
b) toutefois:
i) si l'intéressé satisfait aux conditions de deux législations au moins sans
qu'il soit besoin de faire appel aux périodes d'assurance ou de
résidence accomplies sous les législations dont les conditions ne sont
pas remplies, ces périodes ne sont pas prises en compte pour
l'application des dispositions de l'article 46, paragraphe 2;
ii) si l'intéressé satisfait aux conditions d'une seule législation sans qu'il
soit besoin de faire appel aux périodes d'assurance ou de résidence
accomplies sous les législations dont les conditions ne sont pas
remplies, le montant de la prestation due est calculé conformément
aux dispositions de la seule législation dont les conditions sont
remplies et compte tenu des seules périodes accomplies sous cette
législation.»
- 10.
- La disposition précitée a été modifiée, une première fois, par le règlement
n° 1248/92, qui y a inséré, à la première phrase, une référence à l'article 40,
paragraphe 3, du règlement n° 1408/71 et y a ajouté un deuxième alinéa pour
permettre son application dans les cas visés à l'article 44, paragraphe 2, deuxième
phrase, du même règlement (vingt-quatrième considérant du règlement n° 1248/92).Ces modifications ne sont pas pertinentes pour la présente affaire.
- 11.
- L'article 49, paragraphe 1, du règlement n° 1408/71 a été modifié, une seconde fois,
par le règlement n° 3096/95, de façon à permettre, dans les hypothèses visées à son
point b), i) et ii), la prise en compte des périodes accomplies sous des législations
dont les conditions d'ouverture des droits ne sont pas remplies dès lors qu'il en
résulte pour l'intéressé un montant de prestations plus élevé (cinquième
considérant du règlement n° 3096/95). A la suite de ces modifications, qui,
conformément à l'article 3, deuxième alinéa, du règlement n° 3096/95, sont entrées
en vigueur, en ce qui concerne les prestations de vieillesse et les prestations des
survivants, le 1er juin 1992, l'article 49, paragraphe 1, du règlement n° 1408/71 se lit
comme suit:
«Si l'intéressé ne réunit pas, à un moment donné, les conditions requises pour le
service des prestations par toutes les législations des États membres auxquelles il
a été assujetti, compte tenu le cas échéant de l'article 45 et/ou de l'article 40,
paragraphe 3, mais satisfait seulement aux conditions de l'une ou de plusieurs
d'entre elles, les dispositions suivantes sont applicables:
a) chacune des institutions compétentes appliquant une législation dont les
conditions sont remplies calcule le montant de la prestation due,
conformément à l'article 46;
b) toutefois:
i) si l'intéressé satisfait aux conditions de deux législations au moins sans
qu'il soit besoin de faire appel aux périodes d'assurance ou de
résidence accomplies sous les législations dont les conditions ne sont
pas remplies, ces périodes ne sont pas prises en compte pour
l'application de l'article 46, paragraphe 2, à moins que la prise en
compte desdites périodes ne permette la détermination d'un montant
de prestation plus élevé;
ii) si l'intéressé satisfait aux conditions d'une seule législation sans qu'il
soit besoin de faire appel aux périodes d'assurance ou de résidence
accomplies sous les législations dont les conditions ne sont pas
remplies, le montant de la prestation due est calculé, conformément
à l'article 46, paragraphe 1, point a), i), selon les dispositions de la
seule législation dont les conditions sont remplies et compte tenu des
seules périodes accomplies sous cette législation, à moins que la prise
en compte des périodes accomplies sous les législations dont les
conditions ne sont pas remplies ne permette la détermination,
conformément à l'article 46, paragraphe 1, point a), ii), d'un montant
de prestation plus élevé.
Les dispositions du présent paragraphe sont applicables par analogie lorsque
l'intéressé a demandé expressément de surseoir à la liquidation des prestations de
vieillesse, conformément à l'article 44, paragraphe 2, deuxième phrase.»
Le litige au principal
- 12.
- Le 20 janvier 1988, à l'approche de son soixantième anniversaire, Mme Lustig, née
le 15 janvier 1929, a introduit auprès du Rijksdienst une demande visant à obtenir
une pension de retraite belge à dater du 1er février 1989.
- 13.
- Par décision du 2 juin 1988, le Rijksdienst lui a accordé, avec effet au
1er février 1989, une pension d'un montant de 106 834 BFR. Le montant ainsi
accordé correspondait à une carrière professionnelle de 19 ans accomplie en
Belgique entre 1970 et 1988 (19/40).
- 14.
- Le 13 avril 1993, Mme Lustig, qui, entre 1946 et 1968, avait travaillé aux Pays-Bas,
a introduit une demande visant à obtenir, à partir de son soixante-cinquième
anniversaire, une pension de vieillesse au titre de l'Algemene Ouderdomswet (loi
néerlandaise portant régime général d'assurance vieillesse). L'institution
compétente néerlandaise, la Sociale Verzekeringsbank, lui a accordé la pension
demandée avec effet à partir du 1er janvier 1994.
- 15.
- A la suite de l'octroi de la pension de vieillesse néerlandaise, le Rijksdienst a,
conformément à l'article 46, paragraphe 2, du règlement n° 1408/71, recalculé la
pension belge dont bénéficiait Mme Lustig et, par décision du 23 décembre 1993, lui
a accordé, à compter du 1er janvier 1994, une pension d'un montant de
142 046 BFR.
- 16.
- Il résulte du dossier que, pour la détermination du montant ainsi octroyé à compter
du 1er janvier 1994, le Rijksdienst a appliqué les dispositions relatives au minimum
garanti applicable aux pensions des lois de 1980 et 1981. En revanche, pour la
période allant du 1er février 1989, date à partir de laquelle Mme Lustig avait droit,
à l'âge de 60 ans, à une pension de retraite belge, au 1er janvier 1994, date à partir
de laquelle elle avait droit, à l'âge de 65 ans, à une pension néerlandaise, le
Rijksdienst a refusé à Mme Lustig le bénéfice de ces dispositions au motif qu'il ne
pouvait tenir compte de la carrière professionnelle que celle-ci avait accomplie aux
Pays-Bas qu'à partir du moment où son droit à pension aux Pays-Bas avait
effectivement pris naissance, c'est-à-dire le 1er janvier 1994.
- 17.
- Par requête du 2 février 1994, Mme Lustig a introduit un recours à l'encontre de la
décision du Rijksdienst du 23 décembre 1993 auprès de l'Arbeidsrechtbank te
Antwerpen, en faisant valoir qu'une pension fondée sur le minimum légal aurait dû
lui être accordée également pour la période allant du 1er février 1989 au
1er janvier 1994.
- 18.
- Par jugement du 15 décembre 1994, l'Arbeidsrechtbank te Antwerpen a annulé la
décision attaquée dans la mesure où elle avait fixé au 1er janvier 1994 la date de
prise de cours de la pension et constaté que Mme Lustig avait droit, dès le
1er janvier 1989, à une pension de retraite majorée au niveau du minimum légal.
- 19.
- Par arrêt du 17 avril 1996, l'Arbeidshof te Antwerpen, saisi en appel par le
Rijksdienst, a, sur la base de motifs différents, confirmé le jugement rendu en
première instance et décidé que le Rijksdienst aurait dû, en application des
articles 45, paragraphe 1, et 49, paragraphe 1, sous b), ii), du règlement n° 1408/71,
reconnaître à Mme Lustig le droit au minimum garanti à partir du 1er février 1989,
en tenant compte, pour la détermination de la carrière professionnelle minimale
effectuée en tant que travailleur salarié requise pour l'ouverture de ce droit, de la
carrière accomplie aux Pays-Bas, mais en ne prenant en considération pour le
calcul (proportionnel) du montant à accorder que la carrière accomplie en
Belgique, à savoir 19/40.
- 20.
- A l'appui du pourvoi en cassation que le Rijksdienst a formé à l'encontre de l'arrêt
de l'Arbeidshof te Antwerpen, il a notamment fait valoir que l'article 45 du
règlement n° 1408/71 traite de manière plus générale de la prise en considération
des périodes d'assurance, tandis que l'article 49 dudit règlement, en tenant compte
de la disposition précitée, porte sur des situations plus spécifiques, dans la mesure
où il règle le calcul des prestations lorsque l'intéressé ne réunit pas simultanément
les conditions requises par toutes les législations sous lesquelles des périodes
d'assurance ou de résidence ont été accomplies. Rappelant que Mme Lustig, ayant
atteint l'âge de 60 ans le 1er février 1989, pouvait se prévaloir en Belgique d'une
pension de retraite, calculée sur plusieurs années de service, sans qu'il soit
nécessaire de se fonder sur les périodes d'assurance ou de résidence accomplies
aux Pays-Bas, où elle ne satisfaisait pas à la condition d'âge pour avoir droit aux
prestations, le Rijksdienst a conclu que la disposition particulière de l'article 49,
paragraphe 1, sous b), ii), du règlement n° 1408/71 était applicable en l'espèce et
non pas la disposition de l'article 45, paragraphe 1, de sorte que le montant de la
prestation due devrait être calculé conformément aux dispositions de la seule
législation belge et compte tenu des seules périodes accomplies sous cette
législation.
- 21.
- Considérant que le moyen ainsi invoqué par le Rijksdienst soulevait, en ce qui
concerne l'article 45, paragraphe 1, une question d'interprétation de l'article 49,
paragraphe 1, sous b), ii), le Hof van Cassatie a décidé de poser à la Cour la
question préjudicielle suivante:
«L'article 49, paragraphe 1, sous b), ii), du règlement (CEE) n° 1408/71, lu en
combinaison avec l'article 45 de ce règlement, doit-il être interprété en ce sens qu'il
impose aux autorités nationales compétentes, si l'intéressé satisfait aux conditions
d'une seule législation pour le service d'une pension de vieillesse, même limitée,
sans qu'il soit besoin de faire appel aux périodes d'assurance accomplies sous une
autre législation dont les conditions ne sont pas remplies pour se prévaloir des
droits à une pension de retraite, de prendre malgré tout en compte les périodes
accomplies sous cette dernière législation, lorsque, de ce fait, une pension de
vieillesse plus importante peut être accordée jusqu'au moment où, sur la base de
ladite législation, il est aussi satisfait aux conditions requises?»
Sur la question posée
- 22.
- Pour répondre à cette question, il y a lieu de relever d'abord que l'article 45 du
règlement n° 1408/71 prévoit la prise en compte des périodes d'assurance ou de
résidence accomplies sous la législation d'autres États membres uniquement pour
l'acquisition, le maintien ou le recouvrement du droit aux prestations de vieillesse,
alors que dans le litige au principal la contestation porte sur la détermination du
montant d'une telle prestation (voir, en ce sens, arrêt du 9 décembre 1993, Lepore
et Scamuffa, C-45/92 et C-46/92, Rec. p. I-6497, point 13).
- 23.
- Il convient de souligner ensuite que l'article 51 du traité CE prescrit la totalisation
de toutes périodes prises en considération par les différentes législations nationales
non seulement pour l'ouverture et le maintien du droit aux prestations, mais
également pour le calcul de celles-ci.
- 24.
- En ce qui concerne le calcul des prestations de vieillesse, ce principe a trouvé son
expression notamment à l'article 46 du règlement n° 1408/71.
- 25.
- En effet, cette disposition prévoit, en matière de liquidation des prestations,
l'établissement par l'institution compétente du montant effectif de la prestation au
prorata de la durée des périodes d'assurance accomplies sous la législation qu'elle
applique par rapport à la durée totale des périodes d'assurance accomplies sous
les législations de tous les États membres en question (arrêt du 22 novembre 1995,
Vougioukas, C-443/93, Rec. p. I-4033, point 15).
- 26.
- Quant à l'article 49, paragraphe 1, du règlement n° 1408/71, il détermine la
méthode de calcul des prestations notamment lorsque l'intéressé, à un moment
donné, ne réunit pas simultanément les conditions requises par toutes les
législations sous l'empire desquelles il a accompli des périodes d'assurance ou de
résidence.
- 27.
- A cet égard, l'article 49, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 1408/71 établit le
principe selon lequel chacune des institutions compétentes appliquant une
législation dont les conditions sont remplies calcule le montant de la prestation due,
conformément à l'article 46.
- 28.
- Le point b), ii), du même article 49, paragraphe 1, vise la situation particulière
d'une personne qui a été soumise à la législation de plusieurs États membres mais
qui, à un moment donné, satisfait aux conditions d'une seule d'entre elles sans qu'il
soit besoin de faire appel aux périodes d'assurance ou de résidence accomplies sous
les législations dont les conditions ne sont pas remplies. Telle est la situation d'une
personne telle que Mme Lustig qui, lorsqu'elle a atteint l'âge de 60 ans et obtenu
une pension de retraite belge en vertu de la seule législation belge, ne remplissait
pas encore les conditions requises pour le service d'une prestation au titre de la
législation néerlandaise.
- 29.
- En l'occurrence, il convient dès lors de déterminer si le montant de la prestationdue, en vertu de la législation dont les conditions sont remplies, à une personne se
trouvant dans une telle situation doit être calculé conformément aux dispositions
de cette seule législation et compte tenu des seules périodes accomplies sous celle-ci, même dans l'hypothèse où la prise en compte des périodes accomplies sous les
législations dont les conditions ne sont pas remplies lui donnerait droit à une
prestation d'un montant plus élevé.
- 30.
- A cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, toutes
les dispositions du règlement n° 1408/71 doivent être interprétées à la lumière de
l'objectif de l'article 51 du traité, qui est de contribuer, notamment par la
totalisation des périodes d'assurance, de résidence ou d'emploi, à l'établissement
de la libre circulation des travailleurs (voir, en ce sens, arrêts du 9 août 1994,
Reichling, C-406/93, Rec. p. I-4061, point 21; du 26 octobre 1995, Moscato,
C-481/93, Rec. p. I-3525, point 27, et Klaus, C-482/93, Rec. p. I-3551, point 21).
- 31.
- Cet objectif implique que les travailleurs migrants ne doivent ni perdre des droits
à des prestations de sécurité sociale ni subir une réduction de leur montant du fait
qu'ils ont exercé le droit à la libre circulation que leur confère le traité (arrêt
Reichling, précité, point 24) et que notamment la règle de la totalisation des
périodes d'assurance, de résidence ou d'emploi tend à garantir que l'exercice du
droit à la libre circulation que confère le traité n'ait pas pour effet de priver un
travailleur d'avantages de sécurité sociale auxquels il aurait pu prétendre s'il avait
accompli sa carrière dans un seul État membre (arrêt Moscato, précité, point 28).
- 32.
- Or, il n'est pas contesté qu'une personne se trouvant dans la situation de Mme
Lustig aurait eu droit, dès l'âge de 60 ans, à une prestation de vieillesse d'un
montant plus élevé si elle avait accompli l'intégralité de sa carrière professionnelle
dans l'État membre et sous l'empire de la législation de l'État membre dont elle
remplissait les conditions en premier lieu.
- 33.
- Il convient de relever également que, selon une jurisprudence constante, si
l'application de la seule législation de l'État membre en cause se révèle moins
favorable au travailleur que celle du régime communautaire, prévu à l'article 46 du
règlement n° 1408/71, ce sont les dispositions de cet article qui doivent être
appliquées dans leur ensemble (voir, notamment, arrêt du 11 juin 1992, Di
Crescenzo et Casagrande, C-90/91 et C-91/91, Rec. p. I-3851, point 16).
- 34.
- Il s'ensuit que l'article 49, paragraphe 1, sous b), ii), du règlement n° 1408/71,
interprété à la lumière de l'article 51 du traité, exige que les périodes accomplies
sous les législations des États membres dont les conditions ne sont pas remplies
soient prises en compte pour le calcul, conformément à l'article 46 de ce règlement,
de prestations de vieillesse, dès lors que cette prise en compte se révèle plus
favorable pour l'intéressé que l'application de la seule législation dont les conditions
sont remplies et la prise en compte des seules périodes accomplies sous cette
législation.
- 35.
- Cette interprétation de l'article 49, paragraphe 1, sous b), ii), du règlement
n° 1408/71 découlant directement de l'article 51 du traité, la modification apportée
à cette disposition par le règlement n° 3096/95 ne saurait avoir qu'une valeur de
simple clarification.
- 36.
- Contrairement à ce que le gouvernement du Royaume-Uni a fait valoir à
l'audience, cette conclusion ne saurait être mise en cause par l'arrêt du
7 juillet 1994, McLachlan (C-146/93, Rec. p. I-3229).
- 37.
- Certes, au point 29 de cet arrêt, la Cour a constaté que la prise en compte, par la
législation dont les conditions sont remplies, des périodes accomplies sous l'empire
de la législation d'un autre État membre est exclue par l'article 49 du règlement
n° 1408/71 pour le calcul du montant de la pension.
- 38.
- Cette constatation doit toutefois être comprise à la lumière du contexte propre à
l'affaire qui a donné lieu à l'arrêt McLachlan, précité. Comme M. l'avocat général
l'a relevé à juste titre au point 16 de ses conclusions, le demandeur au principal
dans l'affaire McLachlan ne sollicitait pas la simple application des règles de
totalisation et de proratisation énoncées à l'article 46 du règlement n° 1408/71, mais
le paiement, au titre de la législation de l'État membre dont il remplissait les
conditions, d'une pension d'un montant qui tienne compte des périodes accomplies
sous la législation de l'État membre dont il ne remplissait pas encore les conditions,
au motif qu'il aurait eu droit à une telle pension s'il avait accompli toute sa carrière
sous la première législation.
- 39.
- En excluant, dans ces conditions, pour le calcul du montant de la pension, due au
titre de la législation dont les conditions étaient remplies, la prise en compte des
périodes accomplies sous l'empire de la législation dont les conditions n'étaient pas
encore remplies, la Cour a simplement entendu assurer que, conformément au
système du règlement n° 1408/71 qui a laissé subsister des régimes distincts
engendrant des créances distinctes à l'égard d'institutions distinctes contre
lesquelles le prestataire possède des droits directs, chaque État serve les prestations
qui correspondent aux périodes accomplies sous l'empire de sa législation (arrêt
McLachlan, précité, points 29, 30 et 37).
- 40.
- En revanche, dans l'affaire qui fait l'objet du présent renvoi préjudiciel, la demande
de l'intéressée vise à ce que les périodes accomplies sous la législation dont les
conditions n'étaient pas encore remplies soient prises en compte uniquement aux
fins de l'application de la réglementation belge relative au minimum garanti et non
pas pour le calcul proprement dit, en fonction de la durée totale des périodes
accomplies dans les deux États membres et au prorata des périodes accomplies
sous la législation belge, du montant de la pension de retraite à laquelle elle a droit
en vertu de celle-ci, compte tenu de l'application de ladite réglementation relative
au minimum garanti. Contrairement à M. McLachlan, Mme Lustig ne demande pas,
dès lors, que le montant même de la pension à laquelle elle a droit en vertu de la
législation dont les conditions sont remplies soit calculé de façon à tenir compte des
périodes accomplies sous la législation de l'État membre dont les conditions ne sont
pas encore remplies comme si elles avaient été accomplies sous la législation du
premier État.
- 41.
- Au vu de l'ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à
la question posée que l'article 49, paragraphe 1, sous b), ii), du règlement
n° 1408/71 ainsi que l'article 49, paragraphe 1, sous b), ii), du règlement n° 1408/71,
tel que modifié par le règlement n° 1248/92 et par le règlement n° 3096/95, doivent
être interprétés en ce sens qu'ils imposent à l'institution compétente, si l'intéressé
satisfait aux conditions d'une seule législation pour le service d'une prestation de
vieillesse, même limitée, sans qu'il soit besoin de faire appel aux périodes
d'assurance ou de résidence accomplies sous une autre législation dont les
conditions ne sont pas remplies, de prendre néanmoins en compte, conformément
à l'article 46 du même règlement, les périodes accomplies sous cette dernière
législation, lorsque, de ce fait, une prestation de vieillesse d'un montant plus élevé
peut lui être accordée jusqu'au moment où les conditions de celle-ci viennent
également à être remplies.
Sur les dépens
- 42.
- Les frais exposés par les gouvernements belge et du Royaume-Uni, ainsi que par
la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet
d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le
caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.
Par ces motifs,
LA COUR (sixième chambre)
statuant sur la question à elle soumise par le Hof van Cassatie (Belgique), par arrêt
du 30 juin 1997, dit pour droit:
L'article 49, paragraphe 1, sous b), ii), du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil,
du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux
travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille
qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise
à jour par le règlement (CEE) n° 2001/83 du Conseil, du 2 juin 1983, ainsi que
l'article 49, paragraphe 1, sous b), ii), du règlement n° 1408/71, dans sa version
résultant du règlement n° 2001/83, tel que modifié par le règlement (CEE)
n° 1248/92 du Conseil, du 30 avril 1992, et par le règlement (CE) n° 3096/95 du
Conseil, du 22 décembre 1995, doivent être interprétés en ce sens qu'ils imposent
à l'institution compétente, si l'intéressé satisfait aux conditions d'une seule
législation pour le service d'une prestation de vieillesse, même limitée, sans qu'il
soit besoin de faire appel aux périodes d'assurance ou de résidence accomplies sous
une autre législation dont les conditions ne sont pas remplies, de prendre
néanmoins en compte, conformément à l'article 46 du même règlement, les
périodes accomplies sous cette dernière législation, lorsque, de ce fait, une
prestation de vieillesse d'un montant plus élevé peut lui être accordée jusqu'au
moment où les conditions de celle-ci viennent également à être remplies.
Kapteyn Hirsch
Mancini Ragnemalm Schintgen
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Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 17 décembre 1998.
Le greffier
Le président de la sixième chambre faisant fonction
R. Grass
P. J. G. Kapteyn